Aux XIVe et XVe siècles, se forge en Angleterre une culture laïque spécifique, dont la production foisonnante en langue anglaise constitue l’une des manifestations majeures. Cette langue acquiert alors les caractéristiques d’une langue littéraire, intellectuelle et politique, en relation avec le latin, langue savante par excellence, et avec le français, langue des élites laïques depuis la conquête de Guillaume de Normandie en 1066. Ces transformations soulèvent des enjeux essentiels dans le cadre des évolutions plus générales de l’Angleterre à la fin du Moyen Âge, en particulier à propos des rapports de pouvoir, de la constitution d’une communauté anglaise et des liens des individus à cette communauté, des perceptions des relations entre les groupes sociaux (clercs compris), mais aussi des structures du savoir dans un pays dont on a longtemps considéré qu’il resta au XVe siècle à l’écart de la Renaissance.
Pour mieux comprendre ces enjeux, j’ai entrepris d’analyser un corpus de prologues et d’épilogues présents dans 29 textes composés entre 1350 et 1470, appartenant à des genres variés : littérature dévotionnelle, poésie, chroniques, textes scientifiques, etc. En tant que lieux de construction textuelle, ils constituent des espaces privilégiés pour appréhender ces enjeux, et ce d’autant plus que leur réunion permet de franchir des frontières génériques souvent artificielles et d’envisager une vision plus globale des transformations à l’œuvre.
Aude Mairey est chargée de recherche au CNRS, au sein du Laboratoire de médiévistique occidentale de Paris (Paris I-CNRS). Elle est spécialiste d’histoire culturelle et politique de l’Angleterre aux XIVe et XVe siècles. Elle a notamment publié Une Angleterre entre rêve et réalité. Littérature et société en Angleterre au XIVe siècle (2007), ainsi qu’une biographie de Richard III (Ellipses, 2011).