A la fin des années 1860, plusieurs religieux de renom et d’obédiences différentes, guidés par l’architecte James Knowles et le célèbre poète Tennyson, décidèrent de fonder un cercle de réflexion pour traiter des idées relevant de la science et de la foi : The Metaphysical Society. Leur principal objectif était de débattre discrètement de toutes les questions philosophiques, religieuses et scientifiques propres à expliciter les principes premiers de philosophie, tels que Dieu, le monde, l’être, le moi, l’immortalité. Tous ces sujets étaient particulièrement propres à soulever la mésentente entre des hommes d’obédiences différentes à un moment où la société était traversée par des courants de pensée très nombreux. Les membres de la Metaphysical Society – des intellectuels, des hommes politiques, des philosophes, des scientifiques, des poètes et des ecclésiastiques – étaient tous des acteurs connus du siècle victorien : le Premier ministre William Gladstone et le scientifique T. H. Huxley n’en furent que les plus célèbres. Il s’agissait d’une élite très consciente de son rôle dans la société victorienne et qui avait encore le temps de s’adonner à un passe temps comme celui de réfléchir aux questions fondamentales de l’homme – pour le bien de la société. Ces hommes voyaient également que le rôle qu’ils avaient pu jouer en tant qu’élite – politique et religieuse en particulier – était remis en question. Dès lors, il s’agissait aussi d’une entreprise de sauvetage de leur propre classe. Par ailleurs, les questions que se posaient les membres de la société n’étaient que la conséquence des interrogations de l’époque. La publication des travaux de Darwin sur The Origin of Species en 1859 n’est qu’un jalon dans un siècle qui vit nombre de scientifiques remettre en question l’existence divine de l’homme. Ce que la lecture de ces conférences nous révèle est bien que l’opposition entre scientifiques et religieux, ou pour le dire autrement, entre empiristes et intuitionnistes, n’est plus fondée et qu’il faut regarder la seconde moitié du 19e siècle d’une nouvelle façon pour donner toute sa place au lien entre les uns et les autres et à la façon dont ce lien s’est façonné pour donner naissance à diverses branches du savoir à la fin du siècle victorien.