“Such cheerful scenes”:loisirs et festivités à l’Asile de Hanwell, ou le divertissement au cœur du dispositif de soins (1839-1852)

Speaker(s): 
Laurence Dubois (Nanterre)
Date: 
10 December 2015

Le docteur John Conolly (1794-1866) est l’une des figures emblématiques de la psychiatrie victorienne, et son nom reste à jamais associé au non restraint, cette innovation thérapeutique qui va progressivement devenir la norme dans les asiles anglais à partir des années 1840. Conolly met en place une politique d’abandon total des moyens de contention mécanique dans le traitement des aliénés dès sa nomination à la tête de l’Asile de Hanwell en juin 1839, un asile public pour aliénés indigents, situé dans la banlieue ouest de Londres. Si elle s’inspire d’expériences similaires menées à l’asile Quaker d’York (The Retreat ) ou bien encore à l’asile de Lincoln, il s’agit cependant d’une expérience inédite par son ampleur car plus de 1000 patients en bénéficient. Le non restraint ne se limite pas à rendre les patients libres de leurs mouvements, mais implique également une toute nouvelle approche dans la politique de soins. La particularité de cette prise en charge thérapeutique est de faire porter tous les efforts sur la qualité de l’environnement et du mode de vie des patients, dans une logique de soins innovante que l’on nommerait aujourd’hui « thérapie d’occupation ».

Parmi les activités pratiquées et valorisées, si le travail et l’éducation occupent une place de choix, l’accent est mis plus fortement encore sur les divertissements, qui peuvent notamment prendre des formes aussi variées que des fêtes de Noël, des pique-niques sur l’herbe, des jeux d’intérieur et d’extérieur ou des kermesses. Le lien entre le non-restraint et l’importance que l’on accorde aux distractions de toutes sortes est explicitement établi par John Conolly, qui estime qu’« un spectacle aussi réjouissant » (“such cheerful scenes ”), ne peut se rencontrer que dans les asiles qui ont entièrement renoncé à toute contention mécanique. Tout ce qui contribue au confort, à la santé, au bien-être et au divertissement des patients ne se conçoit que comme faisant partie d’un tout, un système uniformisé dont le principe est de soigner ou de soulager les patients avec humanité. Le divertissement, envisagé au sens pascalien du terme, comme pratique d’esquive, où il s’agit de ne plus penser à quelque chose qui nous afflige, est l’une des composantes essentielles du moral management, inspiré du traitement moral pinélien, et se place en toute logique au cœur du dispositif de soins.

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